Nouvelle

Le coach, l’envers du décor

(Raymond Poulain)

 

La préparation.

La mission du coach est de façonner son équipe de manière à obtenir des résultats positifs, c’est vital.

Il passe le plus clair de son temps à travailler sur son effectif en administratif et en social. Son but, créer une cohésion, une osmose, une vie de groupe d’où émaneront pleins de souvenirs, des amitiés, des symbioses, une histoire, une tranche de vie, en quelque sorte.

Vient d’abord le travail physique sur le terrain d’entraînement où son rôle est de peaufiner la qualité physique de ces joueurs et leur inculquer la technique et la tactique de jeu pour arriver à rendre le groupe sportivement performant, sans oublier le relationnel, en lui transmettant  la culture de la victoire.

 

Le film.

Dès le début de semaine, il est rentré dans l’avant match ou la pression commence à prendre sous l’estomac.

La mise en place des joueurs aux postes où il estime obtenir les meilleurs résultats en fonction de son effectif disponible.

A ce stade, c’est lui qui joue.

Il est obligé de faire travailler son imagination et commence déjà la projection du film du match dans sa tête bien avant le jour J. Il sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur. Chaque choix doit être réfléchi, il sait qu’il doit pouvoir expliquer tous ses choix. Et son premier journaliste inquisiteur, c’est lui. Il doit détenir Ies réponses aux questions que quiconque pourrait lui poser. Les décisions sont mises en balance, pesées et disséquées, afin de ne pas avoir à regretter un choix sous-estimé.

S’en suivent les convocations, avec leurs aléas de possibles défections.

Le déroulement de sa vie familiale est entrecoupé fréquemment par ce satané film dont les séquences surviennent aux moments les plus inattendus de la journée. C’est souvent déstabilisant et rassurant à la fois, surtout quand un éclair de bon sens envoi la réponse cinglante de vérité à une interrogation embarrassante.

La semaine passe comme ça.

Les séquences se mettent en place doucement et inlassablement son esprit est occupé, surtout le soir quand la maison est calme, avant de plonger dans le sommeil.

Jusqu’au matin où le scénario tient la route.

Il se le repasse même plusieurs fois.

Il le tient.

Il n’en changera pas un iota. C’est comme ça que l’histoire va s’écrire s’est une certitude.

A cet instant, la sérénité reprend un peu sa place. Cela va lui permettre de recouvrer une vie un peu plus paisible.

 

La cerise sur le gâteau 

Vient enfin le jour J. Le trajet au stade pendant lequel passe dans sa tête une revue générale de tous les paramètres pour être sur de ne rien avoir laisser au hasard.

L’arrivée au stade. La mise en place du vestiaire. Le contact dès l’arrivée des joueurs est d’une importance folle. D’un regard, il tente de discerner l’état psychologique de chacun d’eux, pour se rassurer lui-même.

Dans le vestiaire, il leurs communique  leur place sur le terrain, leur diffuse ses dernières consignes individuelles et collectives et enfin le véritable match peut commencer.

L’équipe entre en action, mais pour lui, il est dedans depuis fort longtemps. Est-ce que le déroulement de la rencontre va ressembler trait pour trait à la projection du film qu’il a construit depuis plusieurs jours ou est-ce que le scénario va se transformer vulgaire navet, voir même en film d’épouvante projeté dans un petit cinéma minable de bas quartier ?

En tout cas, il est en train de jouer autant que son équipe. Il sait que pour s’approcher au plus prêt de son rêve le plus cher, il possède plusieurs jokers : les remplacements, les corrections tactiques, le boost moral des joueurs.

Les péripéties de jeu se succèdent pendant 90 minutes. Il est tellement attentionné au déroulement de la rencontre qu’il a perdu toute notion du temps.

Seul son chronomètre est capable de lui faire garder le contact avec la vie réelle. Mais en a-t-il vraiment envie ?

Son propre film est projeté en direct sur le terrain et tout le monde y assiste, c’en est presque indécent.  

Et finalement, la rencontre s’achève avec au gré des week-ends, des résultats qui peuvent engendrer chez lui la frustration de la défaite, de l’irritation intérieure due à résultat moyen immérité, ou la joie indescriptible de la victoire tant espérée.

Les joueurs l’ont emporté, eux seuls l’ont fait. Quand un film est bon, les applaudissements vont aux acteurs. Lui, l’œil pétillant félicite ses héros d’un « check » spontané.

Même là, il doit se contenir et rester humble par pur respect de l’adversaire vaincu. Cela fait parti aussi du scénario. Il ne communiera avec ses joueurs que dans le vestiaire, pas avant. Il sait que l’esprit du sport collectif n’est pas aux réactions débordantes et irraisonnées, surtout dans sa position d’éducateur.

A l’inverse, si le résultat n’est pas satisfaisant, son rôle est primordial pour apporter son réconfort immédiat au groupe et souvent à titre individuel. Vite trouver les bons mots évite souvent des petits reproches entre les joueurs qui risqueraient de se transformer en conflits à risques.

Ce constat d'échec est irréversible. La feuille de match le lui confirme.

Dans un premier temps, il culpabilise. Et si son coaching était inadapté, et si, et si........

Ses joueurs ont couru, eux, et lui n’a pas su trouver la solution pour faire basculer le score.

La remise en question immédiate est inévitable, mais il faut la repousser à plus tard.

Le groupe passe toujours avant les états d’âmes du coach.

Il ressent des regrets multiples et tente vite d’emmagasiner les faits de jeux dans sa mémoire pour mieux pouvoir débriefer cette rencontre quand la pression sera un peu retombée.

L’analyse a chaud est à proscrire, il le sait, même si parfois il en rage de ne pas pouvoir corriger, là, tout de suite, une consigne mal ou pas exécutée.

La sagesse préservera le groupe et c’est bien l’essentiel.

 

Et puis, il doit rentrer chez lui, où d’un simple regard, sa famille qui le connait bien, saura détecter, l’issue du match.

Plus tard, dans la soirée, l’analyse est en route et longuement, il ressasse ce film visionné l’après midi même. Les conclusions s’enchaînent, elles deviennent tellement constructives, qu’il a l’impression qu’un autre film vient de commencer.......................................

…………………………………. celui du match de Dimanche prochain.

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